Andromaque Le texte de la Scène 5 Acte 5 de la pièce de Racine: Andromaque
PYLADE. Il faut partir, Seigneur. Sortons de ce palais, Ou bien résolvons-nous de n'en sortir jamais. Nos Grecs pour un moment en défendent la porte. Tout le peuple assemblé nous poursuit à main forte. Aux ordres d'Andromaque ici tout est soumis : Ils la traitent en reine, et nous comme ennemis. Andromaque elle-même, à Pyrrhus si rebelle, Lui rend tous les devoirs d'une veuve fidèle, Commande qu'on le venge, et peut-être sur nous Veut venger Troie encore et son premier époux. Allons. N'attendons pas que l'on nous environne : Nos Grecs nous rejoindront ; et tandis. qu'Hermione Tient encore le peuple autour d'elle arrêté, Voilà notre chemin, sortons en sûreté. ORESTE. Non, non, c'est Hermione, amis, que je veux suivre. A son dernier arrêt je ne puis plus survivre. Partez : j'ai fait le crime, et je vais l'expier. PYLADE. Hermione, Seigneur ? Il la faut oublier. Quoi ! Toujours l'instrument et l'objet de sa rage, Cherchez-vous chez les morts quelque nouvel outrage Et parce qu'elle meurt, faut-il que vous mouriez ? ORESTE. Elle meurt ? Dieux ! Qu'entends-je ? PYLADE Eh quoi ! Vous l'ignoriez ? En rentrant dans ces lieux nous l'avons rencontrée Qui courait vers le temple, inquiète, égarée. Elle a trouvé Pyrrhus porté sur des soldats Que son sang excitait à venger son trépas. Sans doute à cet objet sa rage s'est émue. Mais du haut de la porte enfin nous l'avons vue, Un poignard à la main, sur Pyrrhus se courber, Lever les yeux au ciel, se frapper et tomber. ORESTE. Grâce aux Dieux ! Mon malheur passe mon espérance : Oui, je te loue, ô Ciel, de ta persévérance. Appliqué sans relâche au soin de me punir, Au comble des douleurs tu m'as fait parvenir. Ta haine a pris plaisir à former ma misère ; J'étais né pour servir d'exemple à ta colère, Pour être du malheur un modèle accompli. Hé bien ! Je meurs content, et mon sort est rempli. Où sont ces deux amants ? Pour couronner ma joie, Dans leur sang, dans le mien, il faut que je me noie ; L'un et l'autre en mourant je les veux regarder. Réunissons trois coeurs qui n'ont pu s'accorder. Mais quelle épaisse nuit tout à coup m'environne ? De quel côté sortir ? D'où vient que je frissonne ? Quelle horreur me saisit ? Grâce au Ciel, j'entrevoi... Dieux ! Quels ruisseaux de sang coulent autour de moi ! PYLADE. Ah ! Seigneur. ORESTE. Quoi ! Pyrrhus, je te rencontre encore ? Trouverai-je partout un rival que j'abhorre ? Percé de tant de coups, comment t'es-tu sauvé ? Tiens, tiens, voilà le coup que je t'ai réservé. Mais que vois-je ? A mes yeux Hermione l'embrasse ? Elle vient l'arracher au coup qui le menace ? Dieux ! Quels affreux regards elle jette sur moi ! Quels démons, quels serpents traîne-t-elle après soi ? Hé bien ! Filles d'enfer, vos mains sont-elles prêtes ? Pour qui sont ces serpents qui sifflent sur vos têtes ? A qui destinez-vous l'appareil qui vous suit ? Venez-vous m'enlever dans l'éternelle nuit ? Venez, à vos fureurs Oreste s'abandonne. Mais non, retirez-vous, laissez faire Hermione : L'ingrate mieux que vous saura me déchirer ; Et je lui porte enfin mon coeur à dévorer. PYLADE. Il perd le sentiment. Amis, le temps nous presse : Ménageons les moments que ce transport nous laisse. Sauvons-le. Nos efforts deviendraient impuissants S'il reprenait ici sa rage avec ses sens.
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